Conférence de Sabine Frommel.

Le château de Noisy est un édifice hybride conjuguant certainement par souci diplomatique les influences italiennes et françaises. L’édifice en briques et pierre, surmonté d’un énorme toit est de tradition française tandis que l’implantation et la disposition ressortissent à la tradition italienne.

Gondi fait l’acquisition du domaine en 1568 peu de temps après la décision de Catherine de Médicis de faire construire les Tuileries, sorte de château-villa à l’ouest du Louvre, afin d’échapper à l’étiquette et d’être en contact avec la nature.

Il est possible que le château de Noisy ait été bâti sur un édifice plus ancien dont les bâtiments auraient été englobés dans les nouvelles constructions. La coupe longitudinale du coteau montre la succession de trois niveaux dont le second aurait été agrémenté de niches dans lesquelles devaient se trouver des statues.

D’où vient cette disposition ? Un des plus spectaculaires projets comparables est celui de Vignole, architecte du palais Farnèse à Plaisance, qui attira l’attention de nombreux commanditaires européens.

Il présente une organisation similaire à ce que l’on retrouve à Noisy, avec une gradation entre plusieurs espaces: au niveau inférieur un espace rectangulaire abritant les communs, puis un espace avec rampe et hémicycle creusé de niches et enfin au niveau supérieur le château.

 Le palais Farnèse possède un escalier en fer à cheval : cette fois il s’agit d’une influence française, Vignole étant en effet venu à Fontainebleau pendant son voyage deux ans en France de 1541 à 1543, aux côtés du Primatice, alors surintendant des bâtiments royaux.

D’autres interventions de Catherine de Médicis montrent également des influences réciproques, par exemple à Chenonceau. Primatice avait aussi œuvré pour les Guise à Meudon où l’on retrouve les jardins en pente. Même chose à Maulnes près de Tonnerre pour le duc d’Uzès.

Ainsi les proches de Catherine de Médicis se font construire des demeures ayant bien des similitudes : succession de plusieurs espaces, jardins, grottes sont caractéristiques de l’époque, théâtralisation et parfois évocation de dispositifs militaires. Mais si l’inspiration vient d’Italie, la réalisation en est confiée à des spécialistes locaux.

En ce qui concerne le château de Noisy, Primatice n’a sans doute pas fourni les croquis, mais cela peut demeurer une hypothèse. Par contre il y a une différence entre le dessin très à l’italienne et la réalisation marquée par la tradition française comme pour les châteaux cités ci-dessus.

Autre similitude importante : la demeure de Noisy forme un bâtiment très compact avec un plan privilégié pour un relais de chasse, en forme de U. A cette époque cette typologie se retrouve aussi en Italie : à la Farnesina de B. Peruzzi en 1506 ou à la villa de Laurent de Médicis à Poggio a Catano, achevée seulement en 1520. Ce plan fut apprécié tout au long du XVIe siècle. Mettre l’image

On accède à l’intérieur de cette villa par un perron menant à un vestibule carré (avec un escalier) puis à une grande salle. Les pièces d’habitation sont distribuées sur les côtés. On avait songé à un moment à fortifier la villa avec fossé et pont-levis. A la fin du XVIe siècle on se contente d’un mur avec quatre pavillons d’angle.

On note des projets similaires chez Jean Androuet du Cerceau, très proche lui aussi de Catherine de Médicis. Il s’est servi des mêmes sources, a assimilé ces plans, et il ne s’agit pas d’un cas isolé chez les architectes français. Il y a toutefois des différences. En Italie les bâtiments sont rythmés par des saillants et des rentrants. A Noisy c’est plus discret, et c’est surtout l’alternance de briques et de pierres qui atteste un style français, ainsi que la présence de grandes lucarnes et d’une toiture imposante.

De grandes différences apparaissent dans la disposition intérieure, avec comme toujours en France un appartement du roi car la cour nomade s’installe au cours de ses déplacements chez les sujets du monarque ; le studiolo à l’italienne, cabinet particulier où se retire le propriétaire, a été placé sans tenir compte de la symétrie de la façade, dissymétrie que l’on retrouve sur la façade de l’hôtel d’Angoulême à Paris, signant la patte d’un architecte français.

La facture de l’intérieur de la grotte est tout à fait italienne avec fresques et coquillages. Il n’est pas exclu que Gondi ait fait venir des artistes florentins pour la décoration de cet espace à caractère privé. Mais la façade est bien de tradition française, avec là encore un édifice à caractère hybride.

Le château de Noisy est un habitat dans l’air de son temps.